Mon goût pour les arts graphiques est apparu très tôt chez moi. Déjà, enfant, je dessinais, je coloriais, je reproduisais ce que j’aimais. Je trempais mes pinceaux dans la couleur. Tout était sujet à création et à représentation. J’ai toujours été habile de mes mains et aimé bricoler.
Puis, j’ai tenté de rentrer dans le rang ; j’ai suivi des cours de croquis et de peinture académiques à la Maison des Jeunes de mon quartier et ce, jusqu’à l’âge de 17 ans. On m’y a enseigné la rigueur et la discipline ; j’y ai fait des rencontres improbables, appris énormément de choses ; j’ai même travaillé dur pour préparer les concours d’entrées aux Écoles d’Art.
Mais je suis fondamentalement un rebelle et j’ai toujours éprouvé des difficultés avec les cadres trop stricts.
Je suis issu d’un milieu modeste et la valeur travail y est essentielle. Comme il fallait vivre, j’ai choisi un métier où je pouvais aider les autres. Je suis devenu Éducateur spécialisé dans les domaines de la petite enfance et de l’adolescence ; peu à peu, mon parcours professionnel dans le secteur médico-social m’a conduit à la psychanalyse.
C’est en 1998 que je renoue véritablement avec la création, prenant conscience de ce besoin viscéral durant une hospitalisation difficile.
Mon rapport avec la couleur et les matériaux est spécifique. Tout peut être matière à être utilisé, transformé, magnifié. Je ne m’interdis rien et navigue du figuratif à l’abstraction, avec un goût particulier pour un « art singulier », que d’aucuns appelleraient un « art brut ».
Quelques-unes de mes sources d’inspiration se nomment Pollock, Dubuffet ou Hundertwasser.
À la vérité, je suis un « touche-à-tout », je privilégie l’audace et l’imagination. Selon mes envies et mes humeurs, je traverse des périodes durant lesquelles je deviens graveur, peintre ou sculpteur, alternant ou alliant bois, carton, papier, plastique et métal. C’est la pièce, l’objet, le matériau qui m’inspirent.
L’art, c’est l’invention du visiteur et de l’artiste. En sculpture, je pars d’ustensiles, d’outils, de morceaux de bois flotté ou de racines que je trouve au fil de mes périples ; par exemple, je décide de faire une série de Don Quichotte, mais j’ignore avec quoi je vais les faire. Je pioche, je récupère tout. Vraiment tout !
Au travers de rencontres, de mon imaginaire, mon œuvre a séduit des gens, amis, clients et professionnels, qui m’ont aidé, conseillé, accompagné, formé.
Fondamentalement curieux et touche-à-tout, je transmets à mon tour ce que j’ai appris et ce qu’on m’a donné. Notamment, je le fais avec des enfants et des adolescents en grande difficulté, sociale ou psychologique. Je les reçois dans l’atelier 57 et je les initie à leur rythme à la matière, le bois, le métal, la toile.
Souvent, le vecteur premier est le dessin. Il s’agit de les rassurer et de leur redonner confiance en eux. Ce sont pour la plupart des jeunes en situation d’échec scolaire. Je ne donne aucune instruction, seulement quelques contraintes telles que l’utilisation d’un crayon, d’un taille-crayon et d’une gomme. Puis je les laisse se débrouiller. Je leur rappelle qu’avant même d’apprendre à écrire, lire et compter, ils dessinaient, de manière spontanée.
Il s’agit de retrouver le geste initial. Ainsi, j’accompagne ces gamins au lâcher-prise et qu’ils s’autorisent à oser s’exprimer. Ils emportent systématiquement leurs créations dès qu’elles sont achevées. Je veux qu’ils soient fiers de leur travail.
Mon parcours d’artiste, d’éducateur et de psychanalyste me conduit naturellement vers l’humain et le cheminement avec les autres. Dans mon atelier à Bezons, j’accueille des artistes de tous horizons et cultures, qui s’installent et partagent le matériel, pour des durées variables, et avec lesquels j’aime travailler.
En 2009, j’ai fondé à Clichy avec Isabelle Prigent l’association Barbouille et Gribouille qui est devenu L’Atrace, lieu d’accueil avec proposition d’ateliers autour de la couleur, de la peinture, de la création, « où enfants et adultes dans l’incapacité de s’inscrire dans un schéma classique artistique pourront trouver une place ».
Autre exemple de mon goût pour la communauté, la naissance en 2014 à mon initiative du collectif d’artistes La Plomberie, quitté en 2016, et qui regroupe aujourd’hui plus de 30 artistes.
Toujours à Clichy, j’ai créé des galeries d’art, Le 12 avenue des Arts et La Verrière, que le contexte économique et sanitaire n’a pas aidé à subsister. Je suis régulièrement à l’origine d’expositions, je participe et anime des résidences d’artistes, en France et à l’étranger.
Un ami galeriste a dit un jour de moi : « Cet artiste généreux et humaniste est atteint d’une folie “Cervantesque”, bien que doté d’un physique à la Sancho Panza ».